Lettre #02 : Arpenter la faille : morale et politique radicale | 2023-01-29
Ce texte a été rédigé dans le cadre de la lettre de nouvelles pour réfléchir au conflit, à laquelle vous pouvez également vous abonner en m'adressant la demande par mail. C'est une réécriture d’un mail de « nouvelles » en anglais envoyé depuis un bus de ligne entre Paris et Bruxelles fin juin 2022.
Toutes les archives sont accessibles sur ce site depuis la page Mieux gérer nos conflits.
Arpenter la faille : morale et politique radicale
Résumé : Prenant pour prétexte l’exposition de mes tatouages, je m’interroge sur les rapports entre morale et politique, et la tension indépassable qui existe entre la nécessité de l’action et l’imperfection du jugement qui mène à décider de la marche à suivre.
Who are you to even think you can know the difference between good and evil? [Qui es-tu pour ne serait-ce que penser que tu peux faire la différence entre le bien et le mal ?]
— In This Moment, Joan of Arc, phrase d’ouverture
Aujourd’hui, en guise de deuxième lettre au sujet du conflit, je voudrais parler de mes tatouages (faits, imaginés ou à faire). Sous ce prétexte, je voudrais parler d’un concept – tout personnel – qui me hante : la faille.
La tension morale encrée dans ma peau
D’emblée, le terme « morale » a de quoi éveiller la suspicion. Sans m’étendre sur sa définition, qui risquerait de compromettre mon propos – basé précisément sur son indécidabilité radicale, spoiler –, en voici néanmoins ce qui en constitue pour moi le principe : la morale est la capacité à juger du juste et de l’injuste ou du bien et du mal. Il s’agit donc, non d’un ensemble de préceptes ou de règles, « la morale » comme « contenu », mais de la faculté humaine fondamentale d’émettre un jugement moral : ça ne présume pas de ce qu’on va considérer comme juste et/ou bon – il serait glissant de ma part de tenter de les assimiler, et tout autant de les distinguer nettement – ou injuste et/ou mal. La morale, ou le sens moral, est simplement ce qui nous rend capables de mobiliser des catégories mentales issues de nos valeurs, représentations et réflexions en vue d’orienter nos actions.
Bon, bien que ce soit une faculté humaine de base, on va pas se mentir, elle n’est pas si communément exercée : notamment parce qu’il est plus simple de 1) remplacer le sens moral par une morale pré-digérée qui fait (mal) le taf 2) éviter de questionner ses actions ou la possibilité qu’on puisse ne pas être un être de lumière dont tous les actes sont à la fois justifiés, rationnels et imperméable à la critique.
Ceci posé, je vais vous raconter mes tatouages (c’était franchement plus stylé en anglais, le français pour les descriptions c’est un peu laborieux quand même ☹).
Côté droit : l’indépassable ambivalence…
À l’intérieur du biceps droit, j’ai fait tatouer au lendemain de ma soutenance de mémoire « skholê », un terme en grec ancien signifiant le loisir, la libre étude, le jeu, et qui a donné non sans ironie les mots « école », « scolaire », et autres éminents lieux de fun. Peu visible, c’est un message que je m’adresse : il est là pour me rappeler – et, quand chaque saison ou presque voit renaître le projet de retourner à l’université d’une façon ou d’une autre, il n’est pas superflu – que je ne dois pas accepter que l’université et le monde académique approprient et dépossèdent mon désir de connaissance pour en faire quelque chose de froid, mort, bureaucratique.
Sur le même bras, à l’extérieur cette fois, j’arbore Éris, déesse grecque du chaos [1], à qui l’on attribue le déclenchement de la guerre de Troie et que je perçois pour ma part comme un catalyseur, accélérant les conflits et tensions sous-jacentes et suscitant leur dévoilement explosif. « Éris » est également un prénom que j’ai choisi de me donner, en troisième position de mes prénoms civils, et que je tente avec plus ou moins de succès d’utiliser pour signer certains de mes textes, notamment Mieux gérer nos conflits et ceux qui s’ensuivent. C’est cette dimension conflictuelle et de catalyseur que je célèbre à travers ce prénom que je porte comme un talisman autant qu’une revendication, une réappropriation d’un stigma et sa réécriture selon mes termes. Enfin, sur la dernière langue de peau disponible à l’arrière du bras, je tatouerai peut-être un « queer » chaotique ou bien le mot « chaos » lui-même. Et sur l’avant-bras, je songe à cette phrase de l’une de mes chansons préférées du groupe In This Moment : « Who are you to even think you can know the difference between good and evil? », qui es-tu pour penser connaître la différence entre le bien et le mal ?
Qui, en effet ?
Côté gauche : …l’absolu moral
Sur le bras gauche, le ton se veut différent. Il s’agit d’un de mes premiers projets de tatouage, dont je viens à peine ce mois-ci de réaliser la seconde partie, ayant fait faire la précédente il y a un peu moins d’un an. Sur l’avant-bras, un entrelacs de branches et de feuilles, contrasté de fleurs rouge sang. Il s’agit de fleurs de Selas, une liane aux feuilles sombres, accoutumée à l’ombre et difficile à cultiver, issue de l’univers de The Kingkiller’s Chronicles (Le Nom du Vent/La peur de l’homme sage pour ses deux premiers tomes dans la traduction française), une série de romans de Patrick Rothfuss que j’affectionne particulièrement. Le rouge de ce tatouage, cependant, ne se contente pas de figurer ces fleurs réticentes à la domestication : dans le même univers, il évoque également les Ciridae, un petit groupe de l’Ordre des Amyr à qui il est fait si absolument confiance que chacune de leurs actions, jusqu’à la plus atroce ou la plus terrifiante, sera perçue comme juste et proportionnée. Enfin, sur la partie haute du bras, une tour dans les flammes et ces mots : ivare enim euge – « pour le plus grand bien », le sigle des Amyr et leur devise.
Les Amyr sont une organisation obscure, sur laquelle les informations sont rares et contradictoires : selon les sources, les membres de l’ordre sont décrits tantôt comme des monstres sanguinaires, tantôt presque des saints. Rothfuss s’est inspiré pour les créer des Templiers, une organisation tout aussi discutable et fantasmée affiliée à l’Église catholique. Comme les Templiers, la fin supposée des Amyr s’est faite dans les bûchers de l’Église dont ils dépendaient. Que Charpi et Leïla m’aient jadis donné le titre de Templier teinte d’une aura plus étrange encore cette conjonction entre l’ordre mystérieux des Amyr et… moi, qui depuis des années nourrissais le dessein d’en encrer la devise. Mais n’allons pas trop vite.
Si vous demandiez à un membre de cet ordre sacré, qui êtes-vous donc pour penser que vous pouvez faire la différence entre le bien et le mal ?, il répondrait sans doute : nous sommes les Amyr. Nous agissons en vue du plus grand bien. Nous sommes le compas qui donne toujours le nord.
La maxime de notre action
Bon, bien entendu, il y a controverse autour des Amyr – en particulier du fait que le troisième et dernier livre, qui pourrait contenir des réponses, se fait attendre depuis plus d’une décennie (et pourrait ne jamais voir le jour – en tout cas, j’ai cessé de l’espérer). Certain·e·s pensent les Amyr fascistes, tandis que de mon côté, je pense qu’iels sont des militant·e·s œuvrant à plus de justice sociale. Enfin…
Voici le paradoxe : il n’est pas évident du tout de distinguer le bien du mal. Pourtant, il nous faut. agir. Il est nécessaire de passer à l’action, d’une façon ou d’une autre, à un moment ou à un autre. Et tandis que nous poursuivons des buts conformes à nos valeurs – ce que nous appelons « bien » ou « justice » –, nous devrons nécessairement prendre des décisions difficiles. Parfois, nous les prendrons en conscience, jugeant qu’il vaut mieux mettre en danger l’année universitaire de quelques milliers de personnes que laisser l’université tomber aux mains des intérêts privés, ou qu’une pénurie énergétique engendrée par le démantèlement d’usines à charbon ou d’oléoducs est nettement moins désagréable que la perspective d’une planète invivable à court terme. Parfois, nous prendrons des décisions dont nous découvrirons par la suite qu’elles n’étaient pas les meilleures, ou que les dommages s’avèrent supérieurs aux bénéfices. Selon ce point de vue, les Amyr sont pareils aux anarchistes radicals ou aux militant·e·s climat les plus déterminé·e·s, qui appliquent la maxime : l’urgence de la situation exige l’action, et l’incertitude de ses effets demeure préférable aux certitudes sinistres d’un futur inchangé.
Du coup, est-ce que ça veut dire que les Amyr ne sont clairement pas fascistes ? Que ce sont simplement des gens qui agissent parce qu’il faut agir ? Eh bien… Les véritables fascistes aussi pensent agir en défense contre une menace vitale, iels aussi pensent qu’il est urgent est nécessaire de passer à l’action et que nul·le autre qu’iels ne fera ce qui est juste. Donc ça n’est clairement pas un argument final, nooope. Pas du tout.
Mais alors, quoi ? Est-ce que la croyance en un monde « meilleur » suffit à nous rendre pareil·les à des fascistes – ainsi qu’invite à le penser la rhétorique du parti présidentiel en France, se livrant à un confusionnisme honteux comme si les idéologies politiques de gauche étaient comparables à celles de l’extrême droite ? N’y a-t-il aucune voie, aucune ligne de conduite qui vaille, sommes-nous supposé·e·s nous laisser aller aux courants qui nous traversent et dériver vers notre inévitable destruction ? Ou bien, peut-être, tout est-il relatif, une simple affaire de valeurs irréconciliables et de visions du monde divergentes ? P*tain, j’espère pas – bien que la proie perpétuelle du doute et me méfiant de tout discours de vérité, j’espère bien ne jamais tomber sur la pente glissante du relativisme moral. (En passant, le conséquentialisme moral ne vaut pas mieux : ma relecture récente de Harry Potter et les Méthodes de la Rationalité d’Eliezer Yudkowsky m’a rappelé comment une utopie rationaliste a vite fait de se changer en cauchemar fasciste (ou l’inverse ??)… Mais, là encore, ce n’est pas le lieu pour élaborer.)
La Faille
Bon : d’un côté, doute, chaos, dissension, contradiction. De l’autre, la certitude morale, une forme d’absolu militant, l’action par-delà toute remise en question. Qu’est-ce que ça signifie ?
Qu’est-ce que ça signifie ?
Cela fait des années que j’affirme, accompagné·e en pensées et en actes par Clément dont la présence à mes côtés année après année creuse l’un des plus profonds sillons qui irriguent mon âme, que ma valeur cardinale est la cohérence. Pas le bien – même si j’entends effectivement bien agir –, la cohérence. Je définirais la cohérence ainsi : le fait d’être en accord avec soi-même. Une définition apparemment circulaire, mais lorsque je l’examine, l’extraordinaire difficulté de cette aspiration m’apparaît bientôt. La cohérence signifie que mes actes doivent être en accord avec mes valeurs – les « moindres » valeurs, pas le cœur, qui est la cohérence, mais le contenu : la liberté, l’équité, la coopération… Ce genre de trucs.
Pourtant, chaque jour je participe au capitalisme. Chaque jour je m’excuse d’un sourire gêné auprès de personnes à qui je prétends honteusement ne pas avoir de monnaie dans la rue. Chaque jour, je ne sabote pas des oléoducs ni même ne raye les portières de SUV. Chaque jour je dis des choses méchantes à propos des gens, sans réfléchir à comment iels se sentiraient si iels m’entendaient, chaque jour j’échoue à prendre en compte les raisons systémiques pour lesquelles les individus se blessent entre eux ou font des choses qui contribuent à la destruction de l’environnement et je ressens de la colère ou du dépit. Chaque jour je fais ou tolère mille choses contraires à mes valeurs, la plupart du temps sans l’admettre ni aux autres, ni même à moi. Chaque jour j’échoue à être cohérent·e. Chaque jour j’en ressens de la honte (note : il faudrait aussi que j’écrive sur la honte, car ça n’est pas entièrement sain, comme vous pouvez l’imaginer).
La honte est une passion triste. De tous les ressorts de changement possibles, c’est peut-être le plus pervers, le plus risqué. Mais elle a son utilité : elle m’aide à résister au récit. Elle m’aide à résister – bien que j’échoue évidemment, demeurant rivé·e à mon propre point de vue quand bien même je tente de m’ouvrir à ceux des autres – au fait de me voir comme « le·a gentil·le » (paradoxalement, il me faut tout autant lutter pour ne pas me percevoir comme une mauvaise personne, ce qui pour moi n’est pas un moindre défi). Elle m’aide à arpenter la faille – l’écart entre nihilisme et rigorisme, la fissure dans le monde, le gouffre impossible à combler entre ce qui est et ce qui devrait être. La faille est une dissonance cognitive qu’il ne faut pas résoudre, sous peine de la voir se transformer en biais. La faille, c’est l’inconfort nécessaire dont parle Sarah Schulman [2]. La faille n’est pas une crête dont on pourrait glisser, tombant dans les abysses ; elle est l’abysse. De la crête, on voit ; dans la faille, on se contente d’avancer. Sans voir. Spéléologie morale.
La faille est une dissonance cognitive qu’il ne faut pas résoudre, sous peine de la voir se transformer en biais. La faille, c’est l’inconfort nécessaire dont parle Sarah Schulman [2]. La faille n’est pas une crête dont on pourrait glisser, tombant dans les abysses ; elle est l’abysse. De la crête, on voit ; dans la faille, on se contente d’avancer. Sans voir. Spéléologie morale.
Toutefois, la honte seule n’est pas un moteur : elle n’est susceptible de produire des effets positifs que lorsqu’elle est largement contrebalancée par autre chose, par l’espoir, la certitude de faire mieux, et lorsqu’elle s’accompagne d’une indulgence et d’une tendresse à l’égard de ce soi imparfait qui, bien que voué à l’échec, ne lasse pas d’essayer. Ma honte m’apprend que je peux mieux faire, quand elle ne me paralyse. Il est de mon devoir (envers moi-même, en vertu de ce principe de cohérence qui sied au centre de ma morale personnelle) de m’ouvrir à ce qu’elle m’apprend – car le déni de l’échec, de l’erreur, de la médiocrité est un risque permanent dans un monde malade où prétendre n’avoir jamais (eu) tort est récompensé – tout en luttant contre la haine de soi, l’auto-dénigrement et autres poisons de l’âme. (humm, viens-je finalement d’écrire sur la honte ?)
La cohérence est un idéal, au sens d’un horizon à poursuivre en sachant qu’il demeure à jamais hors d’atteinte. C’est… un principe, une direction. Savoir que nous pouvons avancer vers elle mais jamais l’atteindre, savoir que nous devrons toujours arpenter la faille, aide à trouver l’équilibre entre l’absolu moral que nous pouvons ressentir en tant que militant·e·s (ou, pire, personnes qui se contentent de « savoir ce qui est bien » et ne font pas mine de faire quoi que ce soit de concret – oui, j’émets ici un jugement, mais n’allez pas croire que je m’absolve de ce péché si commun) et un relativisme autoréférentiel. La devise tatouée sur mon bras, dans son absolue certitude et son engagement ferme – « pour le plus grand bien » (quoique l’anglais « greater » soit au comparatif et non au superlatif, invitant d’emblée à considérer l’inachevé, l’asymptote de la promesse) –, est là pour me rappeler le doute et la nécessité de l’action.
Savoir que je ne sais rien
Pourquoi écris-je tout cela ? Pourquoi parler en vrac de tatouages et de personnages de fiction et de militantisme ? Je ne sais pas. Enfin : parce que je ne sais pas, pour être exact·e. Retour inopiné à Socrate : tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Alors j’écris pour partager la tension : je vous invite à la regarder, la contempler. Nous ne sommes radicalement ni bons ni mauvais. Nos actes non plus. Nous ne sommes pas des divinités, aussi nos actions les plus importantes – les décisives, celles qui sont susceptibles de changer le cours de notre vie, voire du monde – nécessitent-elles que nous en fassions le pari (ou peut-être une inférence bayésienne – bien que j’aie dit plus haut que je n’écrirais pas sur ça ici…). Il nous est impossible de savoir si la décision prise est décidément meilleure ou pire, même après coup (je ne crois pas que nous puissions dire « ok, ça n’était pas la bonne chose à faire, voilà ce que nous aurions dû faire à la place », parce que le monde est trop complexe pour que nous prenions en compte tous ses paramètres afin de produire Le Choix Le Plus Rationnel™.
Pour l’essentiel, donc, je voulais avertir des risques d’avoir raison. Nous n’arrêtons jamais d’apprendre, et nous ne devrions jamais penser que nous avons raison. Certains milieux militants, par exemple, peuvent se révéler très punitifs quant à l’usage ou au mésusage de certain langage ou au fait de ne pas être « là où on devrait être » à un moment donné. Chaque avancée dans la compréhension des oppressions est considérée comme absolue et définitive, comme si nous étions parvenu·es à un point décisif, encore et encore et sans que soit laissée de place pour la critique ou le désaccord. Plus grave encore, c’est comme s’il était attendu de nous que nous soyons arrivé·es avant même d’avoir mis le pied sur le chemin. Quand nous dénigrons ou mettons à l’écart des personnes parce qu’elles ne sont « pas safe » ou parce qu’elles « devraient s’éduquer d’abord », comment pouvons-nous créer du lien avec elles, et comment pouvons-nous maintenir le lien avec notre propre passé, avec la personne que nous étions avant d’en savoir « autant » (c’est-à-dire si peu) ?
Il m’arrive de grincer des dents en me remémorant les actions et pensées de « mon moi du passé » (bien que celui-ci soit au quotidien un allié inestimable, compensant sans cesse la désorganisation et le retard chronique de mon moi du présent – shout out to you, moi du passé). Puis je me souviens que j’étais tout juste en train de commencer à apprendre, et que je suis encore tout juste en train de commencer à apprendre, et que dans l’ensemble, si je continue de nourrir le même état d’esprit prudent et ouvert qu’alors, je n’aurai jamais fini d’apprendre. C’est incroyablement rassurant, honnêtement : je respire plus librement de savoir que j’ai changé, que j’ai appris, qu’on m’a permisd’apprendre, et que je prends part à des espaces qui me permettent d’apprendre et de soutenir les autres dans leur propre apprentissage.
Nous n’avons jamais « raison, point ». Le sol n’est jamais ferme sous nos pieds, le chemin, rarement balisé. Il nous faut arpenter la faille, tou·te·s autant que nous sommes. Et il nous faut accepter que tou·te·s ne l’arpentent pas au même rythme, ou n’en sont pas au même point, ou sont arrivé·es depuis un angle différent. Cela ne signifie pas que nous ne devions pas encourager les autres à avancer jusqu’à là où nous sommes, ça ne signifie pas que le minimum d’action est « assez bien », ça ne signifie pas que nous ne devions pas tirer et pousser autrui pour les amener à prendre conscience de la très réelle, très effrayante urgence sociale et environnementale. Mais ça signifie lâcher du lest, laisser respirer, parce qu’on a besoin de toutes les ressources possibles dans cette longue marche.
Nous devons agir. « Comment » est une question insoluble. Mais je pense que la cohérence est un repère utile. Elle requiert honnêteté, doute, capacité à l’auto-critique et à la critique respectueuses. Elle requiert le débat et le désaccord, et de faire la place pour différentes stratégies. Elle requiert aussi la solidarité et la camaraderie. Il nous faut arpenter la faille… Mais nous n’avons pas à le faire seul·es.
Prenez soin de vos doutes,
— Éris
Notes
- [1] Pour être honnête, je suis déçu·e de ce tatouage, qui ne fait pas du tout honneur au chaos, mais est au contraire bien trop fixe et policé. Sans doute le ferai-je « chaotiser » par un·e tatouaire de confiance dans quelques années.
- [2] Sarah Schulman, La gentrification des esprits, B42, Paris, 2018. Dans la conclusion, elle écrit : « je veux bien être dans l’inconfort si c’est là le prix à payer pour comprendre comment les choses fonctionnent. Cette connaissance accroît mon bonheur. » (p. 152). ♥