Pourquoi je me présente au pôle déontologie de la FédéGN
En 2019, j’ai été élue à la commission de déontologie nouvellement créée par la Fédé. Pas bien difficile : pour deux sièges réservés aux représentant·e·s joueur·se·s (deux autres étant alloués aux responsables d’associations), trois candidat·e·s seulement. Déjà, à ce moment-là, nous y étions allées – moi et l’autre élue Carte GN – à reculons. La création de la commission était controversée : les versants les plus conservateurs de la communauté voyaient celle-ci comme une dérive dangereuse, tandis que les versants plus progressistes (c’est-à-dire en faveur d’une plus grande prise en compte de la diversité des pratiquant·e·s, leurs besoins et leur bien-être) se montr(ai)ent dubitatifs quant à ce que cette commission pourrait effectivement accomplir dans le cadre d’une Fédé elle-même vue comme une entité conservatrice.
Pour ma part, je me suis présentée pour la même raison qui fait que je considère me présenter, cette fois, directement au pôle déontologie du CA : une institution est un outil, elle est donc ce qu’on en fait. Abandonner directement la commission de déontologie avant même de lui laisser une chance (dès sa création, donc), c’était s’assurer qu’elle revienne à des personnes pour lesquelles les vues des franges progressistes de la communauté – sécurité émotionnelle et physique, culture du consentement, accessibilité et inclusivité – seraient au mieux méconnues, au pire à combattre. Au final, ça n’est pas ce qui s’est produit : les personnes élues à la commission étaient engagées et avaient avant tout à cœur la protection des personnes, avec une vision radicale de leur rôle et du travail à fournir. Malheureusement, le manque de structure initiale et les rapports d’emblée tendus avec le CA, ainsi que des réactions de mauvais aloi de la part de certains de ses membres, ont fait échouer la commission, et mené à la démission quatre des cinq membres initiaux.
Je suis la seule à être restée. Dans le mail que j’ai envoyé pour signaler que je ne démissionnerais pas, j’ai écrit :
Je ne me suis pas manifestée par mail jusqu'à présent, parce que je me sens vraiment perdue et dépassée par la teneur des discussions, leur forme et le passif qu'elles manifestent entre les différents protagonistes (membres du CA ou de la CD). En tant que membre de la "nouvelle génération" de GNistes, et d'une génération différente de la vôtre même sans compter l'ancienneté dans le GN ou la Fédé, c'est un grand sentiment d'impuissance qui s'est manifesté pour moi depuis le début des activités de la CD, en son sein et au fil des communications, houleuses ou non, avec le CA. De fait, j'ai le sentiment de ne pas avoir été d'une très grande utilité, pour parler par euphémisme... Toutefois, et en dépit des discussions intra-CD qui allaient en ce sens, j'ai réfléchi et pris la décision, plus symbolique qu'autre chose, j'en conviens, à ce stade d'effondrement sur soi de la CD voire (je le redoute) de la Fédé, de ne pas démissionner.
À titre personnel, je suis impliquée dans plusieurs initiatives qui rentrent dans l'image que je me faisais de la commission de déontologie avant d'y entrer : supervision d'une Safe Zone sur le GN Conan [Légendes d'Hyborée] (suite à laquelle je prévo(ya)is de mettre à jour les fiches techniques correspondantes sur le site de la Fédé), rédaction d'un guide de résolution de crises inter-personnelles axé sur le GN, traduction du guide "Pour un GN plus sécurisant" (effectuée), etc. Ce sont des choses que je comptais vivement mettre en relation avec mon activité dans la CD : et c'est aussi pour cela que je ne démissionne pas.
Je n'ai aucune fichtre idée d'où sera la CD, ou la Fédé, après que l'affaire [en cours] soit réglée, et je suis trop larguée sur l'aspect légal pour pouvoir me prononcer sur ce qui devrait être fait dans le futur. Néanmoins, je signe pour le travail de fond proposé par Yannick [le président], et j'espère que la CD pourra trouver une forme qui soit satisfaisante à la fois au niveau fédéral et au niveau communautaire.
Le reste des membres de la commission ont quant à elle·ux publié un texte de démission commun, sur Facebook. Je l’ai lu, et ai commenté ses premières moutures, mais ayant fait le choix de supprimer Facebook afin de me tenir loin du caractère éminemment toxique des interactions communautaires qui s’y déroulent, je n’ai pas suivi les réactions qui en découlèrent. C’est un choix de ma part : et si cette position de neutralité peut m’être reprochée pour son excès de prudence, c’est toutefois, je crois, quelque chose qui pourra s’avérer heureux si je suis effectivement amenée à reprendre le pôle déontologie.
D’emblée, je tiens à dire que, malgré le fait que je n’ai pas démissionné, je comprends les motifs des personnes qui l’ont fait, et la posture qu’ils et elle ont adoptée est accord avec les valeurs que nous partageons et que nous voudrions (démissionnaires ou non) voir se développer dans la communauté. C’est pourquoi, si je suis responsable du pôle, je n’entends pas reprendre la commission de déontologie comme si de rien n’était : d’abord, je voudrais aider à développer d’autres actions de prévention et d’information à même de permettre une prise de conscience par une plus grande portion de la communauté de l’importance des mesures visant à permettre à un maximum de personnes d’intégrer la pratique GNiste, de s’y sentir accueillies et protégées. En 2020, un tiers du CA sera renouvelé, comme chaque année : mon objectif avoué est que des personnes issues d’associations ou de pratiques peu représentées dans la Fédé se sentent d’y prendre activement part, afin de prolonger et d’encourager plus largement des initiatives socialement progressistes. J’espère ainsi, par une candidature ouvertement progressiste à un pôle contesté, non pas me l’approprier mais faire de la place pour que d’autres personnes prennent le relai de l’impulsion initiée (maladroitement) par l’actuel bureau de la FédéGN.
Voici, en bref, ce pourquoi je me présente :
- Pour apporter du « sang neuf », non concerné par la politique « héritée » de la Fédé (les bisbilles diverses de ses deux décennies d’existence) ;
- Parce que je crois que la FédéGN, un organe créé afin de fournir un interlocuteur unifié et informé aux médias, autorités publiques et autres acteurs privés (suite à la stigmatisation du jeu de rôle notamment), est dotée d’une capacité d’action et de rayonnement à même de soutenir des changements bénéfiques pour la communauté. Le développement et la démocratisation d’outils de sécurité émotionnelle ou physique en GN, que je soutiens activement, en font partie ;
- Pour accompagner et faciliter le développement de tels outils, faire le pont entre les diverses initiatives existantes et tenter de favoriser le dialogue et le partage des savoirs, conformément à ce à quoi je m’engage à titre personnel depuis déjà quelques années ;
- Accompagner une éventuelle refonte de la commission de déontologie d’une façon qui garantisse son autonomie, offre à ses membres un cadre d’action clair et rigoureux qui ne laisse plus la place à des problèmes comme ceux que nous avons pu rencontrer précédemment, et étende son champ d’action dans la prévention et la médiation ;
- Si cela s’avère nécessaire, abandonner l’idée d’une commission rattachée à la Fédé et favoriser le développement d’un organe associatif indépendant remplissant une fonction analogue ;
Par ailleurs, j’ai résolu de me limiter au pôle déontologie et de ne pas prendre part aux autres organes fédéraux afin d’entretenir mon indépendance, conformément à celle souhaitée pour la CD.
Cela ne va pas être facile, et ça n’est pas sans crainte que je me présente. Si mon engagement dans la communauté depuis trois ou quatre ans est indéniable, il est tout aussi indéniablement controversé : mes actions et mes propos ont été et sont critiqués, souvent pour des raisons que je comprends, même si j’ai, de mon point de vue, tenu une ligne la plus honnête et la plus droite possible en accord avec mes convictions. Les idées que je porte sont elles-mêmes critiques, et je suis la première à remettre en question les discours tenus par les différents « blocs » idéologiques qui forment la communauté du GN en France (mais pas seulement, ayant également porté un regard critique en tant qu’anthropologue et GNiste sur la communauté du GN nordique). Les idéologies progressistes et leurs applications singulières ne font pas exception à mon attitude critique. Cependant, c’est la forme que prend la critique, en particulier son caractère public et l’absence de nuance typique des réseaux sociaux, qui m’effraie : je déplore la tendance à la shitstorm et l’ad hominem qui s'y déploie et qui mène à prêter aux personnes avec qui nous sommes en désaccord des intentions souvent éloignées de leurs motivations réelles. Au contraire, j’espère qu’un maximum de personnes, aux cultures de GN différentes, pourront travailler ensemble (et avec moi) à la refonte et au développement du pôle déontologie de la Fédé. Je suis plus que disposée à entendre et écouter les avis divergents et à les prendre en compte, car c’est seulement comme ça que nous parviendrons à faire avancer la communauté dans le sens du « bien commun ».
Ce communiqué a vertu à me permettre une prise de parole publique malgré mon absence des réseaux sociaux (pour la difficulté supplémentaire que cela crée dans l’interaction, j’en suis navrée, je vous invite cependant à m’écrire si vous avez des choses à partager). Je voudrais par là attester une bonne fois pour toutes de ma bonne volonté et de l’attachement sincère et durable que j’ai, à la fois au GN et à mes idéaux sociaux progressistes d’inclusivité, de solidarité et de soin des personnes.
Sincèrement et GNistiquement,
Axiel Cazeneuve